Du 24 au 28 octobre Nouvelle-Aquitaine Mobilités a réalisé un voyage d’études à Prague et dans le canton de Vaud. Ce voyage avait pour objectif de comprendre ce que sont les communautés tarifaires comme PID en Bohême ou Mobilis en Suisse.
Voyage d'études à Prague et Lausanne 24 – 28 octobre 2022
Depuis sa mise en place opérationnelle en 2019, NAM développe les outils MODALIS (calculateur d’itinéraires tous modes, solution de paiements sur smartphone, système billettique…) et coordonne les réseaux de transports.
Ces différents travaux ont démontré l’importance de disposer d’outils et de systèmes d’information voyageurs partagés et/ou interopérables. Ils ont également mis en avant le nécessaire choc d’offre à l’échelle du périurbain.
Mais ils témoignent aussi du fait que sans tarification partagée, combinée, mutualisée… bref, multimodale, non seulement le travail n’est pas abouti, mais les externalités négatives restent importantes :
- Développements des systèmes pour que la technique « compense » les différences
- Frein sur la fréquentation
Soit un double impact tant sur les charges que sur les recettes.
C’est pourquoi Nouvelle-Aquitaine Mobilités a réalisé un voyage d’études à Prague et dans le canton de Vaud.
L’objectif était de comprendre ce que sont les communautés tarifaires, comme PID en Bohême ou Mobilis en Suisse.
1. IDSK + ROPID = PID !
En Bohême Centrale, deux « autorités organisatrices des mobilités1 » (AOM) organisent les mobilités. ROPID pour la ville de Prague (équivalente à la Métropole de Bordeaux dans notre contexte néo-aquitaine) et IDSK pour les transports régionaux (sur un périmètre équivalent à la Gironde).
Afin de garantir un parcours client unifié, les deux AOM ont décidé de construire une gamme tarifaire unique, zonale sur l’ensemble du territoire régional : même profils, même structure tarifaire, mêmes prix (par zone), systèmes de vente intégrés et… mutualisation des recettes.
Il découle de ce choix stratégique de nombreuses conséquences positives pour les transports.
Tout d’abord, les recettes sont considérées comme une ressource de financement, au même titre que la participation financière des collectivités. Elles ne sont plus « individualisées » à un mode ou une AOM, mais bien mis dans le pot commun au service des mobilités de l’ensemble du territoire.
L’objectif est d’augmenter les recettes dans leur ensemble, indépendamment du réseau ou de l’AOM. De ce fait, les deux AOM travaillent main dans la main pour définir les projets d’investissement permettant d’améliorer les mobilités dans une logique systémique : desserte régionale/périurbaine/urbaine autour de la même chaine de valeur que celle défendue par l’étude multimodale de NAM et sa continuité en cours via le schéma multimodal ou les cars express, à savoir la logique « rabattre, transporter, diffuser ».
Que les projets soient connotés « urbains » ou « régionaux » n’est pas une donnée d’entrée dans l’affectation des recettes. Ce qui est mis en avant dans les choix est uniquement l’amélioration du parcours client dans son ensemble. Cela n’empêche bien sûr pas des tours de table différents entre les différentes collectivités selon les projets, mais les recettes commerciales ne sont pas un enjeu de débat autre que sur le fait de les augmenter pour garantir la soutenabilité financière des projets.
La communauté tarifaire PID a mis en exergue la nécessité d’avoir une harmonisation des systèmes d’information voyageurs, les différents modes étant imbriqués autour d’une vision d’un parcours client sans couture.
Ainsi, au-delà de la billettique, les outils de supervision de l’information voyageurs sont partagés avec une cellule PID de « supervision » de l’IV. Au service des transporteurs, elle garantit la continuité de l’information du train en retard jusqu’à l’usager et au conducteur du bus qui doit attendre la correspondance. Ce système est source d’inspiration pour NAM dont les outils de MaaS partagés vont accentuer (si besoin en est) les attentes des usagers pour une information voyageurs temps réel multimodale.
2. MOBILIS : toi + moi + eux = un
Dans le canton de Vaud, il y a plusieurs AOM2 également, pour les villes dont la principale est Lausanne et le canton. Ce territoire est comparable en termes d’organisation à un département néo-aquitain tel que la Charente-Maritime, les Pyrénées-Atlantique…
Tous ensembles, elles ont souhaité mettre en place une tarification unique. Bien que construite différemment, dans sa déclinaison technique, de PID, les finalités sont les mêmes : même profils, même structure tarifaire, mêmes prix (par zone), systèmes de vente intégrés. Une différence est néanmoins significative : les recettes sont collectées collectivement, mais ensuite réparties à chaque opérateur dans le cadre de contrats de DSP imposant des objectifs de recettes aux exploitants.
Mais ce mécanisme est très lié à l’organisation institutionnelle Suisse dans laquelle les exploitants sont en fait des équivalents de SEM, avec un actionnariat majoritairement issu des collectivités locales et du canton et des règles supra de subvention publique dépendant finalement des typologies de lignes.
Cette répartition des recettes ne remet pas en cause la volonté collective de construire des systèmes intégrés de transport de A à Z dans une logique similaire à celle praguoise :
✓ Tarification unique sur l’ensemble du territoire, zone par zone de 5 km de diamètre
✓ Information voyageurs mutualisée,
✓ Schéma de desserte co-construit autour d’une vision globale et multi-réseaux des mobilités : les investissements à réaliser, les développements d’offre, les évaluations de recettes, les objectifs de qualité…. sont définis et validés par la communauté tarifaire puis mis en oeuvre par les exploitants/SEM.
Cette deuxième étape a clairement confirmé la dimension stratégique positive de la mise en commun vis-à-vis des usagers, mais aussi en termes d’externalités positives pour les AOM :
- Induction de la fréquentation et des recettes
- Optimisation des investissements
- Amélioration des offres
Il apparait également clairement que la mise en construction d’une gamme tarifaire unique est en fait l’élément qui fait définitivement basculer les usagers dans un monde sans couture et les AOM dans une dynamique collective vertueuse.
Des cercles de co-construction
Finalement, quel que soit le modèle (tchèque, suisse ou français), les 3 compétences obligatoires de NAM sont celles des « communautés tarifaires » rencontrées et de leurs évolutions : définition des schémas de dessertes, des investissements prioritaires à réaliser, régulation opérationnelle de l’information voyageurs, gestion des recettes (y compris marketing) … sans remettre en cause les AOM dans leur pilotage contractuel avec leurs exploitants.
En ce sens, la mise en place d’un Syndicat SRU dès 2019 et les évolutions statutaires du printemps 2022 marquent deux étapes clés dans ce processus de coopération renforcée entre les AOM de Nouvelle-Aquitaine.
En complément des développements déjà en cours, plusieurs travaux méritent d’être engagés côté NAM pour mettre en oeuvre ces cercles vertueux de co-construction :
- Centre de supervision opérationnel – IV
- Billet unique
- Commissions Locales de Mobilités et gouvernance locale
Néanmoins, et quoiqu’il en soit, c’est que ces évolutions doivent également passer par un « choc d’offre » collectif et une vision stratégique partagée des financements communs à mettre en oeuvre pour offrir un réel choix à l’autosolisme et dépasser les barrières institutionnelles.